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Soudan : Empêché d'agir par le gouvernement, le centre opérationnel de MSF à Bruxelles quitte le Soudan


En raison d’un refus d’accès systématique aux populations prises dans les zones de conflits, imposé par les autorités du Soudan, le centre opérationnel de Médecins Sans Frontières (MSF) basé à Bruxelles a annoncé aujourd’hui qu’il ne peut plus atteindre les communautés les plus nécessiteuses et qu’il est par conséquent forcé de cesser ses activités dans le pays.

Le camp de déplacés de Sereif au Soudan. 4500 personnes y souffrent d'un manque chronique en eau potable.
Le camp de déplacés de Sereif au Soudan. 4500 personnes y souffrent d'un manque chronique en eau potable.

« La réaction du gouvernement soudanais à la présence d’aide humanitaire internationale dans les zones de conflits a été brutale la semaine dernière. Un avion de chasse des forces de l’air soudanaises a ciblé et bombardé un hôpital dirigé par nos collègues de MSF dans l’État du Kordofan méridional », déclare le Dr Bart Janssens, directeur des opérations de MSF à Bruxelles. « Le gouvernement déploie de nombreux moyens pour nous empêcher d’accéder aux gens les plus nécessiteux. Les rencontres de haut niveau auxquelles nous avons assisté ont clairement révélé que l’aide humanitaire aux populations les plus touchées par le conflit dans l’État du Nil Bleu et dans les régions du Darfour oriental et méridional sera systématiquement bloquée et limitée aussi longtemps que les opérations militaires passeront avant l’aide humanitaire. »

Pas d’accès à l’état du Nil Bleu

MSF s’est vu systématiquement refuser l’accès à l’État du Nil Bleu, où les conflits ont éclaté à l’automne 2011 entre les Forces armées soudanaises (SAF) et la faction Nord de l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA-N). Quelque 100 000 réfugiés soudanais terrifiés ont traversé massivement la frontière vers le Soudan du sud où MSF était présent. Nous avons donc pu constater l’ampleur de la crise humanitaire en cours. Certains avaient péri pendant le trajet, d’autres étaient si faibles qu’ils sont morts au cours du trajet. Les taux de décès dans les camps étaient plus de deux fois supérieurs au taux correspondant au seuil d’urgence reconnu. L’état du Nil bleu était lui interdit aux travailleurs internationaux de l’aide humanitaire et en général difficile d’accès. « Les réfugiés sont coincés, encore totalement dépendants de l’aide humanitaire pour survivre et terrifiés à l’idée de retourner au Soudan », affirme le Dr. Janssens. « Nous continuons à prendre soin de ceux qui ont réussi à s’échapper et à atteindre le Soudan du Sud. Mais les autorités ne permettent pas à nos équipes d’évaluer les besoins, encore moins de fournir de l’aide du coté soudanais. »

Un accès trop restreint dans la région du Darfour

MSF avait mis en place un hôpital et une clinique mobile à Shaeria, une ville du Darfour oriental. En décembre 2012, des membres de l’équipe de MSF ont soudainement été arrêtés et expulsés de la région. Malgré de nombreuses demandes et des rencontres de haut niveau, aucune explication n’a été donnée. Présentement, les équipes de MSF ne peuvent plus travailler dans cette région.

Dans le camp d’El Sereif pour personnes déplacées, situé près de Nyala, capitale du Darfour méridional, l’équipe de MSF a été empêchée de fournir des ressources supplémentaires pour répondre aux situations d’urgence. MSF gérait dans ce camp une clinique médicale. Mais lorsqu’une nouvelle vague de personnes déplacées fuyant la violence en mars et avril 2014 est arrivée, une équipe de renforcement indispensable composée d’urgentologues s’est vu refuser les permis de déplacement nécessaire pour se rendre au camp. À ce moment-là, l’approvisionnement des lieux en eau potable était 2/3 en-dessous des standards requis généralement admis.. Les maladies liées à une absence d’eau potable, comme l’hépatite E, étaient courantes et il fallait mettre en place des mesures d’urgence pour sauver des vies.

« Nous avons tenté d’obtenir un droit d’accès par la voie du dialogue ou de rencontres. Nous avons tenté de négocier par l’intermédiaire de partenaires influents auprès du gouvernement. Nous avons dénoncé la situation dans les médias. Peu importe ce que nous faisions, rien ne semblait fonctionner », affirme le Dr Janssens. « Nous avons constaté que le gouvernement soudanais organise des rencontres non pas pour faciliter les efforts d’aide humanitaire mais pour les contrer. Nous en sommes venus à la très triste conclusion que dans les circonstances actuelles, nous ne pouvons pas mener des interventions d’urgence ni œuvrer pour sauver des vies dans trois régions du Soudan grandement touchées par les conflits et où la population a désespérément besoin de notre aide. »

Ailleurs dans le pays, une crise humanitaire grave

De toute évidence, les besoins qu’entraînent la violence et les déplacements s’étendent aussi dans d’autres régions du Soudan. Les statistiques de fin d’année de l’ONU révèlent qu’en 2014, environ 400 000 personnes ont rejoint les rangs des déplacées dans la région du Darfour, ce qui fait un total de 2,3 millions de personnes déplacées dans tout le pays et 6,9 millions de personnes nécessitant une assistance humanitaire.

La section de MSF basée à Bruxelles demeure engagée à fournir des soins d’urgence aux populations touchées par les conflits au Soudan et continuera d’explorer toutes les voies possibles pouvant permettre de dispenser ces soins.

MSF travaille au Soudan depuis 1979. Depuis 2011, les obstacles dressés par les autorités en matière d’accès humanitaire ont rendu le travail de la section bruxelloise, qui se concentrait sur les États du Nil Bleu, du Darfour oriental et du Darfour méridional, impossible. D’autres sections de MSF continuent de travailler au Soudan, mais la section de MSF basée à Paris a suspendu ses activités dans l’État du Kordofan méridional jusqu’à nouvel ordre, à la suite d’un bombardement ciblé de son hôpital à Frandala, le 20 janvier 2015.