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L’urgence au quotidien : souffrance silencieuse en République Démocratique au Congo

© Brendan Bannon
© Brendan Bannon

Depuis des années, la République démocratique du Congo (RDC) se trouve dans une situation d’urgence. Un conflit persistant dans les provinces orientales et l’instabilité dans d’autres régions ont entraîné des crises humanitaires et des épidémies répétées.

La neutralité des centres médicaux, les principes humanitaires et l’éthique médicale sont peu respectés

Dans les régions touchées par les conflits, ni les membres de nombreuses milices et autres factions armées, ni les soldats de l’armée nationale congolaise (FARDC) ne semblent faire de distinction entre civils et combattants.

La neutralité des centres médicaux, les principes humanitaires et l’éthique médicale sont peu respectés. Dans les provinces en crise à l’est du pays, MSF a vu des hommes armés investir des hôpitaux et agresser des patients, des cliniques abandonnées parce que le personnel médical avait fuit la violence, des centres médicaux pillés, des professionnels de la santé menacés, des dossiers médicaux confisqués en violation du secret médical.

En 2013, une force d’intervention, lourdement armée des Nations Unies (MONUSCO, anciennement MONUC) a été autorisée à neutraliser les groupes armés s’opposant à l’autorité de l’Etat. Cette situation compromet gravement la perception de neutralité de l’aide humanitaire et médicale dans la mesure où les opérations offensives de la MONUSCO utilisent des moyens de transport blanc, identiques à ceux des humanitaires.

2,96 millions le nombre de déplacés internes

Des millions de personnes vivant dans les zones de conflits ont été contraintes de quitter leurs maisons à cause des combats. En décembre 2013, l’ONU estimait à 2,96 millions le nombre de déplacés internes, la majorité (environ 90 pour cent) se trouvant dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Katanga et en Province Orientale. Un grand nombre de personnes déplacées se trouve hors de portée de l’assistance humanitaire et vit dans des familles d’accueil ou se cache dans les forêts ou la brousse. Ces personnes luttent pour trouver de quoi manger et boire et ne bénéficient de peu ou pas d’aide médicale ou humanitaire.

L’aide aux personnes déplacées dans l’est de la RDC n’est accessible qu’à une petite partie de la population qui a réussi à rejoindre les camps situés près des centres urbains. Même dans ces camps, la distribution de nourriture et de produits essentiels est irrégulière et généralement insuffisante pour répondre aux besoins réels de ces populations.

Les organisations humanitaires opèrent dans un système rigide qui ne permet pas une réponse rapide et adéquate aux besoins les plus importants. Elles se concentrent pour la plupart dans les zones urbanisées et sont généralement absentes des régions rurales éloignées, où vit la majorité de la population.

Urgence médicale et humanitaire 

Chaque année, des foyers de paludisme, de choléra et de rougeole se déclarent dans l’est de la RDC. Dans la plupart des cas, le système de soins est incapable de prévenir ou d’enrayer ces épidémies.

Les soins médicaux sont généralement payants que ce soit dans les structures étatiques ou celles des organisations non gouvernementales (ONG) qui fonctionnent par recouvrement des coûts. La vaste majorité de la population gagne moins de 2$US par jour et seul un congolais sur quatre vit à moins de cinq kilomètres d’une structure de santé.

Bien que le gouvernement garantisse en principe la gratuité des soins en cas d’urgence, les autorités de l’est de la RDC se sont révélées incapables de tenir cet engagement. Une femme présentant une dystocie d’obstacle peut avoir à payer au minimum 50$US pour une césarienne qui lui sauvera la vie, même en zone de conflit.

Dans ce rapport, MSF entend montrer, basé sur des données médicales[1] et des témoignages de patients et de professionnels de la santé, l’étendue réelle de l’urgence médicale et humanitaire à laquelle font face chaque jour les habitants de la RDC, en particulier dans les provinces orientales touchées par les conflits, l’une des zones où nous travaillons.

Beaucoup de ces souffrances humaines pourraient être évitées. La prise de certaines mesures contribuerait efficacement à réduire le nombre de décès inutiles et à améliorer le quotidien des personnes vivant dans l’est de la RDC.

Respect des civils, des travailleurs humanitaires et des structures médicales

1. Les civils ne doivent pas être mis en danger

L’expérience de MSF montre que les acteurs armés ne font pas de distinction entre civils et combattants. MSF a vu les conséquences et a entendu des récits de première main de populations civiles ayant subi des abus, des agressions, des attaques ciblées, des contre-attaques et des massacres perpétrés par différents groupes armés. MSF demande à ce que les groupes armés, y compris la MONUSCO et l’armée congolaise, respectent les populations civiles, ainsi que les activités médicales et humanitaires. Toutes les parties prenantes au conflit, y compris l’ONU, doivent préserver la neutralité de l’action humanitaire en distinguant clairement les activités et véhicules humanitaires et militaires.

2. Les centres médicaux doivent être respectés

Les malades et les blessés ne sont pas des combattants. Pour que les équipes médicales puissent travailler en toute neutralité et organiser leurs soins en fonction des besoins médicaux réels, les lieux de travail – ambulances, cliniques mobiles, postes de santé et hôpitaux – doivent rester des lieux neutres et sûrs. La neutralité des centres médicaux doit être respectée par tous les groupes armés, y compris par la MONUSCO, la nouvelle force d’intervention des Nations Unies et l’armée congolaise.

Une aide humanitaire plus efficace

3. Priorité aux besoins

L’aide humanitaire en RDC doit être rapide, flexible et adéquate, en particulier en cas d’urgence. Elle doit être organisée en fonction des besoins réels des populations, plutôt que de leur localisation ou de toute motivation politique telle que la stabilisation ou le renforcement de l’autorité de l’État.

4. Toucher les déplacés « cachés »

Une attention particulière doit être portée aux nombreux déplacés « cachés ». Vivant temporairement dans des familles d’accueil ou se cachant dans les forêts et les champs, ils forment un groupe extrêmement vulnérable, dont les besoins sont négligés par les différents acteurs, qui concentrent davantage leurs activités sur les personnes déplacées dans des camps et dans les zones urbaines.

Supprimer les barrières financières d’accès aux soins et améliorer la lutte contre les épidémies

5. Arrêter de faire payer les soins de santé aux patients vulnérables

Le simple fait de devoir payer une somme aussi modique soit-elle pour des soins suffit à éloigner les patients les plus vulnérables de toute forme de service de santé, surtout dans les régions touchées par les conflits. Les professionnels de la santé en RDC et en particulier ceux opérant dans les régions touchées par les conflits doivent faire en sorte de réduire les barrières financières pour les patients.

6. Faire plus pour prévenir et enrayer les épidémies

Outre des programmes de vaccination de routine à grande échelle et une meilleure infrastructure sanitaire en RDC, la communication des taux de couverture vaccinale et la coopération face aux flambées épidémiques doivent davantage faire l’objet de transparence et de responsabilité.


[1] Bien que les données nationales pour 2013 soient encore en cours de consolidation et d’analyse, elles ne présentent pas de différence notable par rapport aux années précédentes.