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10 ans de conflit en Syrie, 2016 - 2021 : des millions de personnes fuient

Dossier

10 ans de conflit en Syrie, 2016 - 2021 : des millions de personnes fuient

Depuis le début du conflit syrien, la violence extrême, comme les "double tap", a non seulement coûté la vie à de nombreux civils, mais des millions de personnes n'ont eu d'autre choix que de fuir et de laisser leur maison derrière elles. Après cinq ans de conflit, le monde a connu la plus grande crise de déplacement depuis la Seconde Guerre Mondiale. Pendant ce temps, l'horreur continue...

Mis à jour le ven, 03/12/2021 - 15:15

2016 - Le mépris total pour la vie des civils à Alep-est, la population piégée 

En 2016, les tactiques de siège continuent, les « doubles attaques » augmentent et les bombardements s’intensifient. La crise humanitaire à l’intérieur du pays devient de plus en plus terrible. A ce moment-là, beaucoup de zones civiles ont été bombardées de façon routinière et sont dépourvues d’aide humanitaire. Avoir accès à l’eau et aux services de santé est extrêmement difficile pour la plupart des gens, en particulier pour les populations assiégées.

En décembre, le gouvernement syrien entreprend de reprendre le contrôle d’Alep-est. Les résidents de la zone vivent l’une des campagnes de bombardements les plus intenses et violentes de la guerre de cinq ans. Alep-est devient l’illustration du conflit syrien. Toutes les atrocités de la guerre y sont commises : les techniques de siège, la destruction de multiples hôpitaux, des bombardements indiscriminés de zones civiles et une ignorance totale des règles de la guerre.

A l’époque, MSF soutient (partiellement ou intégralement) huit hôpitaux dans l’est de la ville – tous sont bombardés. Les structures médicales, le personnel de santé et les patients continuent d’être les victimes d’attaques indiscriminées et ciblées. En 2016, 32 structures de santé qui reçoivent notre soutien sont bombardées ou touchées par des tirs de mortiers 71 fois.

Un hôpital de l'est d'Alep assiégé est en train d'être rafistolé avec des sacs de sable après avoir été frappé par des frappes aériennes en avril, tuant un médecin et blessant plusieurs infirmières. Deux autres hôpitaux ont été touchés en novembre dans un quartier qui aurait été bombardé plus de 50 fois : l'un était un hôpital chirurgical, l'autre était le seul hôpital spécialisé pour enfants à Alep-est. Le personnel a réussi à déplacer les enfants, y compris les nouveau-nés et les prématurés, de leurs berceaux et couveuses au sous-sol du bâtiment pour les mettre à l'abri des bombardements. © MSF, avril 2016
Un hôpital de l'est d'Alep assiégé est en train d'être rafistolé avec des sacs de sable après avoir été frappé par des frappes aériennes en avril, tuant un médecin et blessant plusieurs infirmières. Deux autres hôpitaux ont été touchés en novembre dans un quartier qui aurait été bombardé plus de 50 fois : l'un était un hôpital chirurgical, l'autre était le seul hôpital spécialisé pour enfants à Alep-est. Le personnel a réussi à déplacer les enfants, y compris les nouveau-nés et les prématurés, de leurs berceaux et couveuses au sous-sol du bâtiment pour les mettre à l'abri des bombardements. © MSF, avril 2016 

Frontières fermées

Pendant ce temps, la plupart des pays voisins de la Syrie ont fermé leurs frontières aux réfugiés. Beaucoup de personnes sont coincées dans des zones assiégées ou des zones frontalières, comme on peut le voir à cette époque à la frontière Jordanienne, où l’accès à des activités de secours pour les personnes blessées de guerre est bloqué.

2017 - Combats à Raqqa et dans le sud, les civils paient à nouveau le prix fort 

Une course pour la conquête et le contrôle du territoire émerge et cela devient le changement géopolitique principal de cette année-là. Après une offensive militaire majeure sur la ville de Raqqa, le groupe Etat Islamique perd le contrôle d’une grande partie du territoire au nord-est de la Syrie au profit des Forces Démocratiques Syriennes, soutenues par les Etats-Unis. MSF traite des centaines de blessés de guerre, résultat d’une offensive se caractérisant par des bombardements intenses dans la ville. De nombreuses personnes sont aussi gravement blessées par les objets piégés et autres engins explosifs improvisés laissés dans les maisons détruites de la ville.

Pendant ce temps, au sud du pays, le gouvernement Syrien reprend le contrôle de territoires dans les provinces de Dara’, Quneitra et Suwayda. Ces évènements ont des conséquences majeures sur les vies de centaines de milliers de personnes qui vivent dans cette région et sont affectées par les combats.

Ces changements de dynamiques et d’équilibre des pouvoirs perturbent nos activités dans certaines des zones où nous travaillons. 11 structures de santé que nous soutenons sont touchées par des bombes ou des éclats d’obus à 12 reprises, dans des attaques ciblées ou indiscriminées.

Une personne blessée est déplacée dans l'une de nos cliniques de la province de Raqqa. © MSF, juin 2017
Une personne blessée est déplacée dans l'une de nos cliniques de la province de Raqqa. © MSF, juin 2017 

2018 – Le gouvernement syrien en marche, des milliers de personnes fuient vers Idlib, notre aide est en danger 

Entre les mois de février et d’avril, la Ghouta orientale, située dans la banlieue de Damas, vit l’une des campagnes de bombardements la plus importante depuis le début du conflit. De nombreuses structures de santé sont touchées, et environ 2 000 personnes sont tuées lors de cette offensive. A la fin de celle-ci, le gouvernement Syrien prend contrôle de la zone.

Dans beaucoup d’endroits, comme Dara’, la Ghouta orientale, Hama ou Homs, MSF se retrouve dans l’incapacité de continuer son travail et de soutenir les structures médicales une fois que ces zones sont reprises par le gouvernement syrien. Nous augmentons alors notre soutien médical au nord du pays.

Alors qu'un calme relatif revient dans les provinces de Hassakeh et de Raqqa, les personnes précédemment déplacées par les violents combats commencent à rentrer chez elles dans des zones jonchées de mines terrestres et de restes non explosés de la guerre, et où les infrastructures sanitaires ont été largement détruites. © MSF, avril 2018
Alors qu'un calme relatif revient dans les provinces de Hassakeh et de Raqqa, les personnes précédemment déplacées par les violents combats commencent à rentrer chez elles dans des zones jonchées de mines terrestres et de restes non explosés de la guerre, et où les infrastructures sanitaires ont été largement détruites. © MSF, avril 2018 

Fuite vers le nord-ouest en 2018

Avec les combats intenses pour gagner le contrôle de régions disputées, et avec les avancées militaires des forces gouvernementales syriennes, des nouvelles vagues de déplacement commencent, en direction du nord-ouest de la Syrie. Celles-ci font suite à des termes imposés par le gouvernement syrien, lorsqu’il reprend le contrôle d’une zone: les combattants et les civils qui souhaitent être transportés vers une autre zone de la Syrie qui n’est pas sous contrôle du gouvernement, le peuvent. La plupart du temps, ces déplacés sont transportés dans la province d’Idlib. Pendant ce temps, au nord-est de la Syrie, la population retourne dans des villes en ruines, pleines de mines antipersonnel et d’engins explosifs improvisés.

2019 - Recherche de la sécurité dans le nord, mais aussi de nouvelles offensives 

En 2019, le conflit continue, souvent affectant le nord de la Syrie. Au nord-ouest du pays, des centaines de milliers de personnes sont déplacées à la suite d’une offensive lancée par le gouvernement syrien et ses alliés, notamment la Russie, dans la province d’Idlib, dernière zone sous contrôle de l’opposition.

La plupart des déplacés se dirigent vers des zones où l’accès à l’eau potable et aux soins de santé est limité. Ces gens n’ont que peu d’options : la plupart des zones considérées comme relativement sûres sont déjà surpeuplées et les acteurs humanitaires débordés. 

Au nord-est de la Syrie, MSF augmente ses activités face à l’afflux rapide de 60 000 personnes dans le camp d’Al Hol. La plupart d’entre elles viennent de l’un des derniers bastions du groupe Etat Islamique, dans le gouvernorat de Deir Ez-Zor. Plus tard cette année-là, l’armée Turque, avec l’aide de groupes armés d’opposition syrienne, lance l’opération « source de paix ». Le but est de déloger les Unités de protection du peuple (YPG) Kurde d’une portion de terre de 30km de long et 440km de large, le long de la frontière turque.

Nos équipes prennent la décision difficile de suspendre temporairement la plupart de nos activités dans le nord-est de la Syrie et d'évacuer l'ensemble de notre personnel international, car la situation devient de plus en plus instable à la suite des opérations militaires turques. C’est avec le cœur lourd que cette décision est prise, car les besoins de la population sont énormes. © MSF, octobre 2019
Nos équipes prennent la décision difficile de suspendre temporairement la plupart de nos activités dans le nord-est de la Syrie et d'évacuer l'ensemble de notre personnel international, car la situation devient de plus en plus instable à la suite des opérations militaires turques. C’est avec le cœur lourd que cette décision est prise, car les besoins de la population sont énormes. © MSF, octobre 2019 

La pire crise économique depuis des années

En plus du conflit et des déplacements continus, en 2019, la Syrie vit l’une de ses pires crises économiques depuis des années. La livre syrienne atteint un taux extrêmement bas sur le marché noir et la vie de la population devient de plus en plus difficile.

2020 - Idlib surpeuplée et piégée, la catastrophe est aggravée par le COVID-19 

2020 commence avec la continuation d’une offensive militaire énorme au nord-ouest de la Syrie. Près d’un million de personnes sont déplacées. La plupart d’entre elles l’étaient déjà mais doivent fuir à nouveau. Beaucoup des déplacés au nord-ouest de la Syrie ont dû s’enfuir plusieurs fois au cours des mois et des années qui viennent de s’écouler.

La pandémie de COVID-19 empire encore davantage les conditions de santé déjà précaires en Syrie. Quatre mois après que la pandémie est déclarée officiellement, la maladie arrive à Idlib, avec le premier cas confirmé le 9 juillet. Les premiers cas de COVID-19 se trouvent au sein de la communauté médicale et cela devient une préoccupation grandissante au cours des mois qui suivent. En effet, même avant la pandémie, les ressources humaines étaient limitées à Idlib. Les hôpitaux de la région devaient souvent partager le personnel médical pour rester ouverts. En ce sens, juste quelques docteurs malades et qui ne peuvent pas travailler, peut affecter énormément l’accès à la santé.

Pendant ce temps, la crise économique continue. La dépréciation de la livre syrienne atteint des records et la réalité des Syriens s’aggrave encore davantage. Beaucoup d’entre eux ne sont plus capables de combler leurs besoins les plus basiques tels que le logement, la nourriture et les soins de santé.

Les réfugiés dans les pays voisins souffrent aussi des crises économiques dans ces pays, comme au Liban par exemple. Après neuf ans de guerre, le système de santé syrien est cassé. Les ressources matérielles et humaines sont limitées, beaucoup de structures de santé sont souvent fermées ou ne sont plus fonctionnelles.

Deux jeunes retournent à leurs tentes dans un camp de personnes déplacées à Jebel Harem, dans le nord-ouest de la Syrie. Ils ont ramassé du bois dans les montagnes et autour du camp, pour se réchauffer ce soir. © MSF, janvier 2020.
Deux jeunes retournent à leurs tentes dans un camp de personnes déplacées à Jebel Harem, dans le nord-ouest de la Syrie. Ils ont ramassé du bois dans les montagnes et autour du camp, pour se réchauffer ce soir. © MSF, janvier 2020. 

Mars 2021 – Un nombre record de personnes déplacées sont désormais confrontées à une crise alimentaire 

Dix ans plus tard, le conflit continue en Syrie et la population souffre toujours. Les effets de la guerre ont un impact désastreux pour les Syriens, partout dans le monde. A l’heure actuelle, près de 12 millions de Syriens, la moitié de la population d’avant-guerre, sont déplacés au sein ou à l’extérieur de la Syrie.  5.6 millions sont réfugiés dans différents pays du monde, la plupart en Turquie, au Liban, en Jordanie, en Irak ou en Egypte. 6.2 millions sont déplacés internes, le plus grand nombre au monde. La plupart d’entre eux vit dans des conditions précaires et désastreuses.

La crise alimentaire est actuellement le plus gros problème

12.4 millions de Syriens, un record, près de 60% de la population, sont maintenant en état d’insécurité alimentaire, selon les derniers chiffres du Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) des Nations Unies. En l’espace d’un an seulement, 4.5 millions de Syriens de plus sont tombés en situation d’insécurité alimentaire. La crise économique, les pertes d’emplois à cause de la pandémie de COVID-19, et la hausse des prix ont ajouté encore une autre difficulté à la situation déjà critique des Syriens, déplacés et épuisés par cette décennie de conflit.