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Soudan du Sud: un pays brisé où la population est apeurée

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Soudan du Sud

« Ce pays est plein de contrastes: la nature, la faune et la flore en font un pays magnifique ;  la présence de nombreux groupes ethniques aux pratiques culturelles, histoires et coutumes différentes en font un pays humainement riche. Malheureusement, les violences causées par une guerre civile qui s’enlise en font un pays brisé où la population est apeurée. Plus grave encore, le Soudan du Sud, c’est aussi une crise migratoire oubliée: sur une population d’environ 12 millions, 2 millions de Sud-Soudanais sont réfugiés en dehors de leur terre natale et le même nombre est déplacé à l’intérieur même du pays, fuyant les violences effroyables qui font rage aux quatre coins du territoire.

Des gens arrivent à la clinique mobile de MSF à Thaker, dans le compté de Leer.
Des gens arrivent à la clinique mobile de MSF à Thaker dans l'État d'Unité, à l'ouest de l'État du Nil Supérieur où se trouve le camp de Doro. ©Siegfried Modola. Soudan du Sud, mars 2017.

Une souffrance humaine immense, un degré de brutalité effroyable 

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le Soudan du Sud est également une terre d’accueil pour des réfugiés du Soudan qui tentent d’échapper à d’autres violences qui éclatent (trop) régulièrement  de l’autre côté de la frontière, dans l’État du Blue Nile.

Grâce à MSF, je travaille depuis cinq mois sur le projet de Doro, un camp de réfugiés sud-soudanais où vivent environ 56 000 personnes: des réfugiés soudanais, des déplacés sud-soudanais et des Sud-Soudanais dont Maban, le comté où se trouve le camp, est la terre d’origine. La terminologie importe peu. Ce qui est primordial par contre, c’est de ne pas les oublier. Parce qu’ici aussi, c’est bien d’une crise humanitaire et migratoire dont il s’agit. Parce qu’ici aussi, la souffrance humaine est immense et le degré de brutalité enduré par la population est effroyable.  

Une expérience humaine incroyable

Le Soudan du Sud fera désormais résonner en moi des dizaines de souvenirs. Parmi ceux-ci, il y en a un qui m’accompagnera encore longtemps: celui de cette accoucheuse traditionnelle rencontrée lors d’une séance de sensibilisation sur la réponse apportée par MSF aux victimes de violences sexuelles. Sous le joli tissu dont elle était drapée, elle portait un t-shirt jaune avec cette inscription en grand: "résilience". Je pense que c’est ce mot qui décrirait le mieux la force et le courage des populations que j’ai eu la chance de côtoyer durant cette mission. Leur capacité de résilience face à l’adversité qu’ils affrontent quotidiennement est immense et force le respect ainsi que l’humilité.

Aude  dans le camp de réfugiés de Doro.
Aude travaille en tant que promotrice de la santé dans le camp de réfugiés de Doro.

En ce qui me concerne en tout cas, j’ai une profonde admiration pour ces communautés. Tout d’abord pour ces femmes qui parcourent chaque jour des kilomètres pour collecter de l’eau, du bois, de la nourriture ou pour emmener leur enfant malade dans le centre de santé le plus proche. Pour ces femmes encore qui supportent, impuissantes, les pleurs interminables de leurs enfants dont les estomacs crient famine. Pour ces femmes enfin qui pleurent trop souvent la perte d’un mari, d’un frère ou d’un fils tué par ce conflit.

Ensuite, pour ces hommes qui luttent quotidiennement pour protéger leur famille, qui voient leurs enfants ou leurs frères se faire enrôler de force pour le combat. Ces hommes qui subissent en silence l’humiliation infligée par le camp adverse qui a violé leurs femmes ou leurs filles et qui sont souvent pris au piège dans ce conflit qui les oblige à choisir un camp et une appartenance ethnique…

Pour ces enfants qui doivent se construire dans ce contexte instable où parler de futur semble chaque fois conditionnel. Ces enfants qui subissent sans trop comprendre les déracinements répétitifs liés à la route de l’exil que prennent continuellement leurs parents en quête de survie.

Enfin, j’ai aussi un respect immense pour l’équipe MSF avec laquelle je travaille sur le projet. S’ils font partie de la grande famille MSF, ils sont avant tout sud-soudanais ou réfugiés vivant les mêmes réalités, souffrances et inquiétudes que leurs communautés. Je leur suis infiniment reconnaissante de m’avoir accueillie avec autant de bienveillance au sein de leur équipe durant ces six mois et de m’avoir tant appris sur le plan professionnel mais aussi et surtout humain.

Je ne pensais jamais dire cela en quittant la Belgique, mais le Soudan du Sud va définitivement me manquer et il est clair qu’un coin de mon esprit restera à jamais relié à ce pays.  »