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10 ans de conflit en Syrie, 2011 - 2015 : notre récit des 5 terribles premières années

Dossier

10 ans de conflit en Syrie, 2011 - 2015 : notre récit des 5 terribles premières années

Syrie, mars 2011. Les protestations du peuple pour la réforme de la démocratie se sont rapidement transformées en un conflit sanglant dans les rues syriennes. Cinq ans plus tard, tout le monde ne connaîtra que trop bien les horreurs de la guerre en Syrie. Voici notre récit de ces cinq premières années.

Mis à jour le lun, 03/15/2021 - 17:50

2011 - Manifestations de rue violemment réprimées, aucun accès aux zones touchées 

En 2011, de nombreux Syriens descendent dans la rue pour manifester et demander des réformes démocratiques. Le soulèvement évolue vite et ce qu’étaient des petites manifestations au commencement se transforment très rapidement en grand rassemblement massif au mois de mars. Les manifestants font face à des violences policières et militaires. Ils sont confrontés à des arrestations massives et une répression brutale. Des centaines de personnes meurent, des milliers sont blessées. Le soulèvement tourne au conflit et les Syriens commencent à fuir leurs villes, pour aller se réfugier dans d’autres zones de Syrie ou même dans d’autres pays de la région.

Pour MSF, apporter un soutien médical à la population syrienne s’avère compliqué dès le début du conflit. En effet, depuis 2011 et jusqu’à aujourd’hui, MSF n’obtient pas l’autorisation de travailler dans les zones sous le contrôle du gouvernement syrien, malgré les nombreuses demandes pour avoir la permission de le faire. En conséquence, nos zones d’intervention ont toujours été dans les zones hors du contrôle du gouvernement.

Malgré cela, MSF est en mesure d’apporter une assistance médicale aux personnes dans le besoin en Syrie, en soutenant notamment des réseaux de docteurs syriens et en faisant des donations de matériel médical et de première nécessité à des hôpitaux de campagne et cliniques dans les provinces de Homs, Idlib, Hama et Dara’. Comme nous ne pouvons pas accéder à Damas, la capitale, nous faisons des donations au Croissant-Rouge Syrien, en réponse à l’augmentation des besoins médicaux et au manque de matériel médical dans la ville.

Premiers réfugiés et déplacés internes en 2011

Dans les pays voisins comme le Liban ou la Jordanie, MSF commence à apporter son soutien aux Syriens qui ont besoin de soins médicaux, puisque ces derniers ne sont pas disponibles en Syrie. Nous montons aussi d'autres projets pour porter assistance aux réfugiés qui ont fui la violence en Syrie.

2012 - La guerre éclate, des cliniques installées dans les sous-sols 

En 2012, la guerre s’intensifie avec la formation et la participation de différents acteurs dans le conflit. Malgré de nombreuses tentatives pour instaurer un cessez-le-feu, le conflit évolue rapidement en guerre à part-entière, et le nombre de morts et de blessés commence à augmenter de façon exponentielle dans le pays. 

MSF ouvre des hôpitaux au nord de la Syrie, pour répondre aux besoins médicaux de la population dans ces zones. La plupart de ces hôpitaux sont installés dans des endroits peu conventionnels, tels que des villas, des fermes, des écoles, ou encore des caves, car un certain nombre de structures médicales ont été touchées et détruites par le conflit. Dans ces hôpitaux, les équipes de MSF apportent un traitement médical d’urgence, en se concentrant principalement sur des services de traumatologie et de chirurgie de guerre.

Juillet 2012. Une photo du tout début, au deuxième mois de notre intervention. Un jeune patient blessé a été accueilli dans une maison que nous avons transformée en centre médical d'urgence en six jours seulement, en collaboration avec un groupe de médecins syriens. En deux mois, nous y avons admis plus de 300 patients et pratiqué 150 opérations. Les blessures que nous avons traitées étaient principalement causées par des tirs de canon ou d'artillerie. © MSF, septembre 2012
Juillet 2012. Une photo du tout début, au deuxième mois de notre intervention. Un jeune patient blessé a été accueilli dans une maison que nous avons transformée en centre médical d'urgence en six jours seulement, en collaboration avec un groupe de médecins syriens. En deux mois, nous y avons admis plus de 300 patients et pratiqué 150 opérations. Les blessures que nous avons traitées étaient principalement causées par des tirs de canon ou d'artillerie. © MSF, septembre 2012 

 

De plus en plus de personnes fuient vers les pays voisins en 2012

Alors que le nombre de réfugiés syriens augmente dans les pays voisins, MSF étend ses activités à des endroits comme la vallée de la Bekaa au Liban ou les camps installés à Domiz, au Kurdistan Irakien. De nombreux réfugiés syriens fuient plus loin en quittant le Moyen-Orient.

2013 - Les soins de santé s'effondrent, même la polio fait son retour 

En 2013, les Syriens ne sont pas seulement exposés à des niveaux de violence particulièrement élevés, mais aussi aux conséquences directes d’un système de santé devenu dysfonctionnel et qui se détériore peu à peu. Les équipes de MSF commencent à être témoins de la résurgence de maladies qui peuvent être évitées. Des cas de rougeoles parmi les enfants d’Alep et la découverte du premier cas de polio en Syrie depuis 14 ans sont les premières indications de la rupture du système de santé syrien à cause du conflit. MSF organise des campagnes de vaccinations de masse au nord-est de la Syrie.

Les organisations médicales dans le pays commencent aussi à prendre davantage la parole sur leurs difficultés à répondre aux besoins de la population, ou même juste leur capacité à répondre aux flux massifs de blessés et autres urgences dans les structures de santé.

A cause de l’intensité des combats dans le sud de la Syrie, MSF ouvre un programme d’urgence chirurgicale à Ramtha, dans le nord de la Jordanie, à côté de la frontière syrienne. L’organisation y traite des blessés de guerre qui ne peuvent pas recevoir de soins dans les 14 hôpitaux de campagne dans la ville de Dara’.

Un homme grièvement blessé est allongé sur une table d'opération dans un hôpital de fortune situé dans un quartier assiégé de l'est de Damas. "Dormir et se reposer est un luxe que nous n'avons qu'en ce moment", dit le Dr S., un jeune chirurgien diplômé dans les premiers mois de la guerre et qui travaille dans cette clinique. MSF, juillet 2013
Un homme grièvement blessé est allongé sur une table d'opération dans un hôpital de fortune situé dans un quartier assiégé de l'est de Damas. "Dormir et se reposer est un luxe que nous n'avons qu'en ce moment", dit le Dr S., un jeune chirurgien diplômé dans les premiers mois de la guerre et qui travaille dans cette clinique. MSF, juillet 2013 

 

Pays voisins avec une politique frontalière plus stricte en 2013

Pendant ce temps, des centaines de milliers de Syriens continuent à fuir la Syrie, recherchant la sécurité ou la possibilité de se faire soigner dans les pays voisins. Ces pays, qui reçoivent un flux continu de réfugiés, commencent à adopter des politiques migratoires plus restrictives. En réponse à cela, MSF étend encore davantage le volume de ses opérations dans la région, pour pouvoir assister au mieux la population syrienne. A la fin de 2013, on estime qu’environ 1.5 million de Syriens sont réfugiés.

2014 - Une année sanglante, près de 10 millions de personnes ont fui 

La violence et l’insécurité, l’intensification des sièges de certaines villes, l’augmentation des bombardements et les attaques de structures de santé et du personnel médical sont certains des obstacles que rencontrent les équipes de MSF. Cela nous empêche d’étendre davantage notre programme d’aide médicale humanitaire. L’enlèvement de membres du personnel MSF en 2014 nous amène aussi à arrêter nos activités dans zones contrôlées par le groupe Etat Islamique et à retirer nos équipes internationales du nord-ouest de la Syrie. Mais nous arrivons tout de même à conserver notre réponse dans le pays, nous ouvrons des nouveaux projets et augmentons également notre soutien à distance à des structures médicales situées dans le pays.

Des centaines de victimes sont signalées dans la ville d'Erbin, dans la région de la Ghouta orientale, une banlieue de Damas, après le bombardement d'un marché très fréquenté. Quelque 50 000 personnes sont assiégées depuis plus de deux ans dans la Ghouta orientale.
Des centaines de victimes sont signalées dans la ville d'Erbin, dans la région de la Ghouta orientale, une banlieue de Damas, après le bombardement d'un marché très fréquenté. Quelque 50 000 personnes sont assiégées depuis plus de deux ans dans la Ghouta orientale.  © MSF, octobre 2014

 

En 2014, près de 10 millions de personnes sont en fuite

En 2014, la guerre devient de plus en plus sanglante. Les Nations Unies estiment que 6.5 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays et plus de 3 millions fuient la Syrie.

2015 - Les hôpitaux pris pour cible, la plus grande crise de déplacement depuis la Seconde Guerre Mondiale.

En 2015, MSF soutenait près de 150 établissement de santé en Syrie. Jamais, jusqu'à aujourd'hui encore, notre organisation n'avait soutenu un nombre aussi élevé de structures au sein d'un même pays. Toutefois, ce soutien n’empêche pas ces structures d’être directement impactées par le conflit. En 2015, 23 membres du personnel de santé soutenu par MSF sont tués et 58 autres blessés. 63 hôpitaux et cliniques soutenus par MSF sont bombardés ou touchés par des tirs de mortiers, 94 fois sur le long de l’année. 12 de ces structures sont complètement détruites.

Cette même année, MSF obtient l’accès la ville dévastée de Kobané / Ayn Al Arab, après que le groupe Etat Islamique ait été forcé de quitter la zone par les forces Kurdes, qui ont le soutien des forces de la coalition. L’organisation y construit un hôpital, mais il est très vite détruit à nouveau, à la suite d’une nouvelle période de conflit intense dans la ville lorsque des combattants du groupe Etat Islamique s’y infiltre à nouveau. En dépit de ces événements, MSF continue de soutenir l’offre de soins de santés primaires et secondaires dans la ville.

Le « double tap », la violence extrême 

Avec de plus en plus de pays et d’acteurs qui interviennent dans cette guerre, 2015 se caractérise par un niveau de violence extrême, qui affecte la vie de millions de personnes. Les zones civiles sont régulièrement bombardées, souvent lors de "doubles attaques" - dans le cadre desquelles une frappe aérienne initiale est suivie d’une seconde frappe qui vise les équipes de secours ou les structures médicales qui reçoivent les blessés.  Il y a aussi de nombreux rapports faisant état d’attaques liées à des symptômes représentatifs d’une exposition à des agents chimiques.  Au moins 1.5 million de personnes se trouvent dans des zones assiégées, sans accès à l’aide humanitaire ou aux soins de santé et sans possibilité d’évacuation médicale.

Sept personnes sont tuées et 47 blessées lors d'une redoutable attaque "double tap" contre un hôpital de Homs. © MSF Novembre 2015.
Sept personnes sont tuées et 47 blessées lors d'une redoutable attaque "double tap" contre un hôpital de Homs. © MSF Novembre 2015. 

 

La plus grande crise de déplacement depuis la Seconde Guerre Mondiale, la fuite vers l'Europe commence en 2015

En 2015, le nombre de réfugiés syriens qui ont fui le pays dépasse la barre des 4 millions de personnes. Des milliers d’entre eux tentent dangereusement de traverser la mer Méditerranée. Pendant ce temps, 6 millions de Syriens sont aussi déplacés au sein même de la Syrie. Le conflit a causé la plus grosse crise de déplacement depuis la seconde guerre mondiale, des millions de personnes ont désespérément besoin d’aide humanitaire. En conséquence, MSF augmente ses activités dans la région et lance également des opérations de sauvetage dans la Méditerranée, pour porter assistance aux populations qui migrent vers l’Europe.