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Tuberculose résistante : MSF lance l'alerte face à des politiques et des pratiques insuffisantes et inadéquates

Dans un nouveau rapport présenté aujourd'hui, Out of Step, Médecins Sans Frontières (MSF) décrit des politiques et des pratiques dépassées et des manques criants dans la prise en charge de la tuberculose résistante aux médicaments (TB-R). Ceci contribue à alimenter une crise de santé publique de portée mondiale.

Le rapport Out of step a été présenté aujourd'hui à la 45ème Conférence mondiale de l'Union sur la santé respiratoire. Basé sur une enquête menée dans huit des pays les plus touchés par la tuberculose, le rapport de MSF montre que les efforts pour lutter contre l'épidémie sont dangereusement en décalage avec les recommandations internationales et les meilleures pratiques documentées, ce qui permet aux formes résistantes de la tuberculose de continuer de se propager.

MSF appelle les gouvernements, les bailleurs de fonds et l'industrie à agir maintenant, en utilisant tous les moyens dont ils disposent, pour renforcer la réponse à cette crise, sous peine de faire face à une croissance toujours plus importante de la tuberculose résistante.

« L'heure n'est pas à la complaisance: dans certains pays d'ex-Union Soviétique, plus d'un tiers des patients chez qui MSF a diagnostiqué une TB-R n'ont jamais été traités auparavant, ce qui implique une transmission directe des formes résistantes de la maladie. À Mumbai, en Inde, MSF constate que la transmission directe de souches résistantes aux médicaments est sans doute le moteur de l'épidémie dans les endroits 'sensibles', comme les bidonvilles, et chez certains groupes vulnérables, comme les séropositifs, explique le Dr Petros Isaakidis, Médecin épidémiologiste en charge de la recherche opérationnelle pour MSF en Inde. La tuberculose résistante est une catastrophe d'origine humaine, entraînée par des années de négligence et par une réponse lente et fragmentaire. Les pays doivent accroître leurs efforts en vue d'améliorer la prise en charge de la TB-R, en accord avec les recommandations internationales. Ils doivent saisir l'occasion offerte par les nouveaux outils pour renforcer et accélérer la lutte contre la tuberculose ».

Les dernières données de l'Organisation mondiale de la santé font état d'une situation accablante: moins d'un tiers des patients atteints de TB multirésistante (TB-MR) estimés dans le monde sont diagnostiqués, et seulement un sur cinq reçoit un traitement adapté. Ce manque d'accès aux soins alimente la propagation de la TB-MR de personne à personne: dans certains pays, jusqu'à 35% des nouveaux cas de tuberculose sont TB-MR. Ces chiffres sont comparables à ceux observés dans les structures de soins de MSF.

Le rapport Out of Step souligne cinq manques principales dans la prise en charge de la tuberculose, responsables d'un grand nombre de décès: le manque d'accès aux tests de résistance aux médicaments; un nombre croissant de personnes chez qui la TB-MR est diagnostiquée mais qui ne reçoivent pas de traitement; l'utilisation de modèles de soins obsolètes et coûteux; un accès très limité aux médicaments les plus prometteurs, nouveaux ou 'requalifiés'; et un très grave manque de financements.
Le rapport MSF constate que l'accès aux tests de résistance aux médicaments, essentiels pour éviter les erreurs de diagnostic et les traitements inadaptés, est largement insuffisant dans la plupart des pays pris en compte. Dans la moitié des pays, moins de 75 % des patients chez qui la TB-DR est diagnostiquée sont mis sous traitement. De plus, certaines formes d'hospitalisation par défaut continuent d'être pratiquée dans la moitié des pays, en dépit des éléments montrant que les soins dans la communauté sont plus faciles à supporter pour les patients et moins chers, tout en permettant d'obtenir des résultats médicaux similaires. Cinq programmes nationaux de lutte contre la TB sur huit sont confrontés à d'importants manques de financements. Le Kenya, le Myanmar et le Zimbabwe disposent de moins de 50% des fonds dont ils auraient besoin.

Plus d'un an après leur enregistrement, les nouveaux médicaments antituberculeux, prometteurs, demeurent hors de portée pour la plupart des patients: la bédaquiline et le délamanide ne sont disponible pour une utilisation courante dans aucun des pays pris en examen dans le rapport. Dans quatre pays, les nouveaux médicaments sont accessibles à un nombre très limité de patients, dans le cadre d'un dispositif dit d' 'usage compassionnel' ou de programmes équivalents. Aucun des pays n'intègre dans ses protocoles nationaux l'ensemble des médicaments faisant partie du 'groupe 5', soit des médicaments 're-qualifiés' sur lesquels reposent les traitements de dernier recours.

« Les patients n'ont pas accès aux possibilités offertes par les nouveaux traitements prometteurs, parce que les entreprises et les pays avancent au ralenti dans les processus d'enregistrement. Parallèlement, l'absence d'essais cliniques qui intègrent les nouveaux médicaments contre la tuberculose dans des protocoles plus courts, moins toxiques et plus efficaces souligne les lacunes du modèle d'innovation médicale courant. Il faut que les efforts dans la recherche et le développement contre la tuberculose soient coordonnées et financés dans le but d'un accès au diagnostic et au traitement pour les personnes qui en ont le plus besoin », conclut Grania Brigden, en charge du dossier tuberculose à la Campagne d'accès aux médicaments essentiels (CAME) de MSF.