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Soudan du Sud : des bateaux ambulance pour sauver les patients dans les régions reculées


Un mercredi matin, en fin de matinée, un bateau accoste près du petit village de Kuemdoc, sur les rives de la rivière Phom El Zeraf. Un drapeau MSF flotte au-dessus du bateau. Une foule s’est rassemblée sur la berge et patiente sous un arbre pour s’abriter du soleil brûlant. D'autres accourent vers le rivage lorsque le bateau MSF arrive. Les gens d’ici connaissent ce bateau. C’est leur ambulance.

Le bateau MSF à Old Fangak © MSF
Le bateau MSF à Old Fangak © MSF

Le bateau arrive près de la rive. Un agent de santé communautaire sud soudanais saute hors du bateau pour gérer la foule et commencer à organiser les consultations. Il s’appelle Mut. Il a 33 ans et cela fait déjà plus de dix ans qu’il travaille comme humanitaire dans son propre pays. Il travaille avec MSF depuis le mois d’avril.

«J’aime aider les gens», explique tout simplement Mut.

Grâce à son expérience, il trie efficacement les patients réunis le long de la rive. Il met doucement un thermomètre sous le bras d'une petite fille qui attend sur le rivage avec sa mère, qui semble malade et apathique. Sa température frôle les 40 degrés. Il s’agit probablement d’un paludisme qui risque de mettre sa vie en danger si elle n’est pas prise en charge dans les plus brefs délais.

Mut aide la petite fille souffrante à monter sur le bateau avec sa mère. Il s’assure qu’elles mettent correctement leurs gilets de sauvetage.

Mut s’occupe ensuite d’un petit garçon. Sa jambe est très enflée, trois fois plus grosse que la normale. Un rapide examen et une discussion avec ses proches établissent rapidement la cause de sa blessure. Il s’agit d’une morsure de serpent. Comme il n'y a pas d'anti venin disponible localement, ce petit garçon embarque dans le bateau ambulance pour être référé. Le garçon peut à peine marcher, mais il refuse d'être aidé pour embarquer. Il finit par monter fièrement sur le bateau, seul à l’aide de sa canne.

Pendant la demi-heure qui suit, Mut prend le temps de voir chaque personne qui patiente le long de la berge. Les patients ayant un besoin absolu de soins prennent place à bord du bateau.  Aujourd’hui 6 patients doivent être référés.

Le bateau redémarre et redescend la rivière. Il se dirige vers l'hôpital d’Old Fangak, une ville d'environ 26.000 habitants située au cœur de marais denses qui s’étendent sur 2 des 3 États touchés par le conflit.

Ces marais forment une barrière naturelle qui protège les personnes vivant ici du conflit mais ils obligent les équipes MSF à rivaliser d’inventivité pour rejoindre les zones les plus reculées.

MSF soutien l’hôpital d’Old Fangak depuis novembre 2014. C’est aujourd’hui le seul hôpital fonctionnel dans le nord de l’état du Jonglei. Avec une petite équipe, MSF fait fonctionner une salle d'urgence, des services d’hospitalisation, de consultations, de soins maternels et prénatals ainsi qu’un centre de nutrition thérapeutique intensive pour les enfants souffrant de malnutrition sévère.

Depuis juin 2015, MSF gère également un service d’ambulance en bateau pour les communautés  éloignées et les populations déplacées par le conflit, qui s’est déclaré il y a un an et demi, cherchant refuge dans les marais. La situation a forcé des centaines de milliers de personnes à fuir leur foyer à cause des violences délibérées à l’encontre des civils dans un contexte où l’accès aux soins demeure extrêmement difficile.

« Le bateau ambulance est important», explique Mut, à l'approche du rivage d’Old Fangak. « Avant ce système, les gens mourraient parce qu'ils n'avaient pas accès à l’hôpital. Ce voyage va sauver la vie des personnes à bord ».

La plupart des personnes déplacées ont effectué un voyage long et difficile vers la région d’Old Fangak qui de par son isolement reste un relatif ilot de tranquillité. La plupart ont vécu des scènes macabres et traumatisantes. Ils ont dû traverser des zones de guerre. Ils ont perdu des membres de leur famille sur le chemin. Ils ont dû traverser des rivières et des marécages pour arriver dans la région.

Malheureusement, le bateau n’est pas capable de les atteindre tous. Il y a quelques jours, MSF a été informée qu'une jeune fille de 10 ans souffrait d’un paludisme sévère qui nécessitait une prise en charge immédiate. Un voyage pour la récupérer a été organisé rapidement avec un lieu de rencontre défini a l’avance le long de la rivière. Mais impossible pour la petite patiente et sa famille de rejoindre le lieu de rendez-vous. Personne dans la communauté n’a été en mesure de la porter pendant 6 heures pour rejoindre le point de rassemblement. On ne sait pas aujourd’hui, si la jeune fille a pu guérir seule ou pas.

Beaucoup de déplacés qui ont fui les zones de conflit restent trop effrayés pour sortir des marais et pour demander de l'aide. D'autres, comme cette petite fille de 10 ans sont tout simplement trop loin de la rivière et restent encore inaccessibles.

Mais Mut se rassure en pensant à ceux qu’il a pu aider. Lors du tout premier voyage du bateau ambulance en juin dernier, huit patients dans un état grave avaient été amenés à l'hôpital. Aucun d'entre eux n’aurait eu de soins autrement. Depuis, le bateau ambulance sauve la vie d’une douzaine de personnes isolées chaque semaine. Près de 60% de ces personnes, trop éloignées des structures de soins, sont des enfants de moins de cinq ans.

Deux jours après le voyage a Kuemdoc, Mut reprend le bateau ambulance à 10 heures du matin. Aujourd’hui, il navigue vers Toch, au Sud d’Old Fangak, où MSF transporte les cas les plus graves une fois par semaine. Une nouvelle journée où Mut va aider autant de personnes qu’il peut.

Au Soudan du Sud, MSF emploie plus de 2800 Sud Soudanais et environ 275 personnel international pour répondre à un large éventail d'urgences médicales et fournir gratuitement des soins de santé de qualité pour les personnes dans le besoin. MSF gère actuellement 17 projets dans six des 10 Etats du Soudan du Sud, y compris dans les états d’Unité, du Nil supérieur et du Jonglei qui sont particulièrement affectés par le conflit. MSF mène aussi des activités dans la région administrative d'Abyei. Les équipes  MSF répondent à divers besoins en matière de santé allant de la chirurgie a l'obstétrique en passant par le paludisme, le kala-azar, la vaccination contre les maladies évitables et le traitement de la malnutrition.