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L’HISTOIRE DE PIEDAD

Piedad a 32 ans. Elle attend dans la chaleur torride de la cour en béton du complexe avec sa fille de trois ans, Dayli. La petite souffre d’une infection de l’oreille. Piedad l’a amenée voir l’un des médecins de MSF. Ses trois fils — Josue, 15 ans, Eddy, 8 ans et Jairo, 7 ans — jouent au football à l’ombre de l’un des bâtiments du centre.

 « Je tenais une boulangerie à Triunfo de la Cruz, au Honduras », se souvient Piedad. « Mais les maras nous ont dit que nous devions verser l’impôt de guerre. Nous ne pouvions plus le payer. Nous ne vendions que du pain. Mon fils Josue a été menacé. On nous a dit que si nous ne pouvions pas payer, ils nous tueraient. » Piedad, son mari et ses enfants ont compris qu’ils n’avaient d’autre choix que de fuir leur foyer. C’est ce qu’ils ont fait le 15 avril. Ils sont partis à pied vers la frontière guatémaltèque dans l’espoir d’atteindre les États-Unis sains et saufs.

Piedad en haar kinderen in het centrum van Senda de Vida in Reynosa, Mexico.
Piedad et ses enfants dans le centre pour migrants de Senda de Vida à Reynosa, au Mexique. ©  Dominic Bracco, mai 2017.

Ils ont ensuite pris le bus pour Tenosique, au Mexique, où ils ont été attaqués et dépouillés de leurs documents d’identité. Ils se sont réfugiés à La 72. « Nous avons consulté MSF au camp de Tenosique », se souvient Piedad. « Ils nous ont conseillés et nous ont donné des médicaments pour mes enfants, ainsi que des soins et des conseils médicaux. » À partir de là, la famille a continué vers le nord, à pied et en bus quand c’était possible. « Dans certaines villes, nous avons dû mendier pour acheter des billets de bus ou de la nourriture », se souvient-elle. « Nous avons dormi dans les collines ou aux abords des villes. Certains jours, nous n’avons rien mangé ni bu une seule goutte d’eau. » Ils se sont arrêtés à Coatzacoalcos, où ils ont une fois de plus été aidés par une équipe de MSF.

Finalement, ils sont arrivés à Reynosa, où ils ont cherché Senda de Vida, dont on leur avait parlé en chemin. Ils avaient également entendu qu’ils auraient plus de chances de traverser la frontière s’ils voyageaient séparément, Piedad avec ses fils et son mari avec Dayli. Piedad est donc partie avec les garçons vers le pont qui surplombe le fleuve, alors que son mari et sa fillette restaient à Senda de Vida.

« Une expérience horrible », se souvient-elle. « Nous nous sommes retrouvés nez à nez avec les services d’immigration américains et leur avons demandé le statut de réfugiés. Mais il nous a été refusé et ils nous ont dit d’attendre. Nous sommes restés sous un soleil de plomb durant quatre heures. Finalement, les agents des services d’immigration mexicains sont arrivés et ont demandé s’ils pouvaient nous emmener. Les Américains ont accepté. » Sans leurs documents, volés à Tenosique, Piedad ne pouvait pas démontrer qui elle était ni d’où elle venait. Elle a été ramenée à Reynosa avec ses deux jeunes fils et emprisonnée. Josue, l’aîné, a été détenu séparément dans un centre de détention pour mineurs. Durant sept jours, elle est restée sans nouvelles de l’endroit où on l’avait emmené et de ce qu’il était advenu de lui.

Le huitième jour, les services d’immigration mexicains ont enfin examiné le seul document conservé par Piedad : un papier du consulat attestant que la famille avait sollicité un visa humanitaire pour le Mexique. Elle a été libérée et a retrouvé sa famille à Senda de Vida. Cela faisait deux mois qu’ils vivaient dans le camp, dans l’incertitude la plus complète. Retourner au Honduras n’est pas envisageable, mais les chances d’atteindre les États-Unis faiblissent de jour en jour.

« Je sais que nous ne pourrons pas rester ici indéfiniment », soupire Piedad. « Je suis devenue la cuisinière du centre. Mon mari a des petits boulots de journalier, mais il ne gagne que 150 pesos [environ 8 USD] par jour. Ce n’est pas grand-chose. Nous ne pouvons pas trouver d’endroit où nous installer et nous ne pouvons pas envoyer nos enfants à l’école. Je veux juste leur donner un avenir meilleur. » La famille travaille avec un conseiller juridique du centre, mais les options sont très limitées pour les gens dans leur situation. Un visa humanitaire mexicain leur permettrait de séjourner dans le pays, mais compliquerait la recherche de travail. « J’ignore ce que nous allons faire », explique-t-elle en secouant la tête. « Mais je demeure déterminée à traverser la frontière pour me rendre aux États-Unis.